Conférence internationale sur “L’histoire et la civilisation islamiques en Afrique de l’ouest” organisée par l’IRCICA en collaboration avec la Maison Arewa, Université Ahmadu Bello, Nigéria

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L’IRCICA et la Maison Arewa (Kaduna) attachée à l’Université Ahmadu Bello (Zaria) au Nigéria, ont organisé conjointement une conférence internationale sur “L’histoire et la civilisation islamiques en Afrique de l’ouest”, qui s’est déroulée les 19 et 20 octobre 2018 à l’Hôtel Reiz Continental dans la capitale Abuja.

La conférence a commencé par une cérémonie d’ouverture à laquelle ont participé des membres du gouvernement et des académiciens. S.E.M. Mouhammadou Boukhari, Président de la République Fédérale du Nigéria, a été représenté par le Ministre de l’Education, l’Hon. Alhaji Adamu Adamu, qui a lu le discours du Président. Des discours ont été faits par le Dr. Halit Eren, Directeur Général de l’IRCICA; le Prof. Ibrahim Garba, Vice-président de l’Université Ahmadu Bello, lu par son représentant, Prof. Idris Sha’aba Jimada, Directeur de la Maison Arewa, Kaduna. La cérémonie d’ouverture a été dirigée par le Dr. Usman Bugaje, coordinateur du Projet de Recherche et de Développement d’Arewa. Le Prof. Bugaje a ajourné la session en invitant les participants à accorder une attention à certains points saillants : la dimension civilisationnelle de l’Islam devrait être accordée l’importance qu’elle mérite, surtout tenant compte des défis qui menacent le monde auxquels l’Islam pourrait remédier ; l’histoire est en grande partie vivante, mais les académiciens et les faiseurs de politique négligent souvent de la faire revivre dans la réalité ; et, les contributions des femmes à l’érudition pourrait être accordée une attention particulière dans le cadre de cette conférence. La session s’est conclue avec une mention de remerciements prononcée par le Prof. Aboubacar A. Senghore, Directeur général adjoint de l’IRCICA, qui a exprimé l’appréciation et la gratitude des organisateurs de la conférence aux institutions et individus y ayant contribué.

La cérémonie d’ouverture a été suivie par l’inauguration de l’Exposition internationale de Calligraphie d’Abuja qui avait été conçue à l’occasion de la conférence. 16 experts et chercheurs en provenance du Nigéria, de la Turquie et de la Gambie ont présenté des études académiques abordant le thème général sous divers angles.

Dans la première session de la conférence, intitulée «L’expansion de l’Islam au Soudan (900-1500) », 3 exposés furent présentés. “L’expansion de l’Islam au Bilad al-Soudan (900-1500) : le Ghana, le Mali et Songhay” était le titre d’une étude conjointe par Prof. Ibrahim Jumare et Dr. Tukur M. Mukhtar. Les traits et voies de l’expansion de l’Islam dans la région sous examen y sont tracés en mettant en exergue les différentes étapes de ce processus d’expansion, à savoir : la phase nominale, la phase du pouvoir et du désir et la phase révolutionnaire. L’étude intitulée “Le développement de la tradition islamique intellectuelle à Tombouctou” a été présentée par Dr. Sheshi T. Sidi. C’est essentiellement une étude de la position intellectuelle très particulière de Tombouctou eu égard au patrimoine culturel, l’importance et l’impact de cet ancien centre d’érudition de l’Afrique de l’ouest en particulier et du monde islamique en général. “La Tradition du Tajdid en Afrique de l’ouest” était le titre de l’étude présentée par Dr. Usman Bugaje. L’étude commence par l’explication conceptuelle du terme Tajdid – renouvellement, renaissance – et continue avec l’histoire des mouvements de Tajdid dans différentes périodes. Elle examine aussi les réseaux de communications entre les érudits. A la fin des présentations, Dr. Shu’aibu Shehu Aliyu les a résumées et formulé des observations.

La deuxième session a entendu 3 exposés sur « L’expansion de l’Islam à l’est du Bilad al-Soudan ». Le premier, intitulé “L’Islam dans les états Haoussa”, a été présenté par Prof. Muhammad Mustapah Gwadabe. Il examine l’histoire de l’Islam dans les états de la culture Houssa en soulignant le rôle joué par des agences telles que le commerce transsaharien, les érudits et la migration dans ce processus. Il précise que du 7e jusqu’au 15e siècle, l’Islam s’est répandu dans les deux tiers du monde alors connu, résultant dans l’établissement d’une oummah prospère, ce qui se reflète dans l’éclatante culture et les empires ayant régné dans une grande partie du monde dans les domaines des arts, des sciences, de la philosophie, des compétences militaires et technologiques. Le deuxième exposé, sur « Les relations diplomatiques et les autres formes d’engagement entre le Caliphat ottoman, l’Egypte et le Bilad al-Soudan en général” était préparé par Prof. Hamid Bobboyi et lu par Dr. Shu’aibu Shehu Aliyu. Il met en lumière les robustes relations diplomatiques ayant existé pendant des siècles entre le trio du Caliphat ottoman, l’Egypte et le Bilad al-Soudan, dépassant les adhésions religieuses et s’étendant aux relations poltiiques, socio-culturelles et économiques. L’exposé trouve le facteur ayant encouragé ces développements dans la puissante agence du Hajj et de la poursuite de l’érudition. Le troisième exposé de la deuxième session s’intitulait “L’expansion de l’Islam à Yoruba et à Nupeland (au sud-ouest et centre nord du Nigéria)” et fut présenté par Prof. Idris S. Jimada. C’est une étude qui trace le développement de l’Islam dans les régions citées à partir du 8e siècle et identifie les facteurs ayant aidé la diffusion de l’Islam.

Le thème de l’histoire et la civilisation en Afrique de l’ouest a continué à être discuté dans les deux sessions du deuxième jour, commençant ainsi par la troisième session, intitulée « La renaissance islamique au Bilad al-Soudan (1600-1800) ». Durant cette session, 6 études ont été présentées. La première, par Dr. Shu’aibu Shehu Aliyu, s’intitulait “Massina et Segu (Mali ancien)”. Elle traite du développement de la renaissance islamique dans les sultanats de Massina et de Segu. Elle indique que le mélange des pratiques islamiques et païennes était le principal facteur ayant suscité la relance islamique dans ces deux sultanats. Cependant, dans le cas de Segu, le Hajj a joué un rôle important pour faire renaître l’esprit de Jihad, tandis que le Cheikh Oumar al-Futi a utilisé l’ordre soufi du Tijjaniyya comme contexte de mobilisation du Jihad. Elle déclare aussi que tous les deux mouvements de renaissance islamique de Massina et de Segu avaient été influencés grandement par le mouvement de Jihad de Sokoto. La deuxième étude, portant sur “La création des sultanats de Bundu et de Kombo en Gambie (du 17e au 19e siècles)”, fut présentée par Dr. Ensa Touray. L’étude indique que la région sénégambienne avait évolué grâce à l’immigration. Dans une première étape, l’Islam y était pratiqué sous forme de syncrétisme, ce qui a suscité le besoin d’une renaissance de l’Islam dans cette région. Le 17e siècle a vu la croissance de l’esclavage dans cette région, ce qui fut nuisible pour la population. Les érudits musulmans ont établi des centres de Zawiyya d’où ils tâchaient de lutter contre ce phénomène. Aussi, ces Zawiyya ont servi de centres de savoir et ont permis aux musulmans éduqués d’interagir avec les communautés non-musulmanes. Ceci a engendré l’idée de la dimension spirituelle du Jihad. Le facteur de l’alignement et des alliances a aidé à la réussite du Jihad et ouvert la voie vers l’établissement des états islamiques de Bundu et de Kombo. La troisième étude de la troisième session était sur “La fondation du Caliphat de Sokoto, 1774-1817”, présentée par le Prof. Alkasum Abba. Cette étude précise que les facteurs ayant mené à l’évolution du Jihad étaient les mêmes problèmes sociaux, économiques et politiques qui envenimaient les sociétés du Hausaland. Shehu Usman Dan Fodio était réaliste et pratique dans son action dans le mouvement du Jihad. C’était parce qu’il vivait avec le peuple et pratiquait les mêmes occupations que lui. Il voyageait aussi parmi les diverses communautés du Hausaland et établissait des liens qui ont ajouté au succès du Jihad en Hausaland. Shehu Usman Dan Fodio a envoyé des lettres à ses disciples à travers les diverses régions des états Houssa afin de lancer le Jihad, ce qui a aidé au succès rapide du Jihad et contribué à son tour à l’établissement du Califat de Sokoto avec plusieurs émirats sous son égide. “Le Jihad dans les états de Hausa City, Oyo and Nupeland” : s’intitulant ainsi, le quatrième exposé de la troisième session a été présentée par Prof. Idris Sha’aba Jimada. Cette étude explore les raisons pour lesquelles sauf quelquesuns parmi plusieurs Jihads avaient réussi. C’était le Jihad de Sheikh Usman Dan Fodio qui avait réussi à pénétrer les Etats du Haoussa, Oyo et Nupeland. Ceci parce que le Cheikh Usman Dan Fodio avait envoyé des lettres à ses disciples dans les régions avoisinantes les appelant à s’engager eux aussi dans le Jihad dans leur localité. Lorsque le Jihad a réussi dans ces domaines, les émirats d’Ilorin et de Bida avaient été créés sous le Califat de Sokoto. Jusqu’à la fin du 19e siècle, l’Islam s’est enraciné fermement à Nupeland et à Oyo. Par la suite est venue l’émigration de peuples de ces régions vers Sokoto, encourageant les mariages et les intégrations et contribuant à la formation de l’identité musulmane et la croissance des richesses communes. Ce fut ensuite l’étude de M. Abdulkadir Adamu, sur “L’Islam dans le Califat de Sokoto après la conquête coloniale”. Cette étude indique qu’avant la conquête britannique du Califat de Sokoto l’Islam était le principe directeur de l’administration. La conquête a pris diverses formes, avant tout l’envoi d’explorateurs, de commerçants et enfin de forces coloniales. La conquête a commencé par Oyo et Nupeland, puis s’est étendue à Zaria, Kano et enfin au métropole de Sokoto. Après la conquête, les colonialistes se sont appropriés du système existant en établissant le système de l’administration dite indirecte. Les britanniques ont aussi imposé la politique de restrictions qui visait à réprimer l’Islam. Adamu a dit que l’établissement de l’administration coloniale avait affecté les aspects sociaux, politiques et économiques des vies du peuple du Califat de Sokoto. Le système judiciaire et éducationnel du Califat de Sokoto a été repoussé au fond. L’influence des érudits islamiques a diminué sérieusement. Avant la conquête coloniale, l’Islam était la religion de l’état dans le Califat de Sokoto et tout se déroulait autour d’elle. Mais après cette conquête, un système hybride, ni islamique, ni occidental, s’est établi. Le dernier exposé de la session était “La contribution des Sultanats Wolof à la promotion et la préservation de la civilisation islamique en Afrique de l’ouest”, présenté par le Prof. Ibrahim Khaleel Abdussalam. Cette étude explique que les wolofs n’avaient en fait pas établi de sultanat ou de califat, mais ils avaient contribué à la promotion et la préservation de la civilisation islamique en Afrique de l’ouest. Les premiers dirigeants des wolofs n’étaient pas musulmans, mais ils employaient des érudits musulmans dans leur administration. Ainsi, l’Islam a eu un effet profond sur les wolofs, ce qui a mené à l’apparition d’une forte tradition musulmane soufi dans la région. Les wolofs avaient été islamisés pacifiquement, ce qui leur a donné l’occasion de servir comme transmetteurs de la civilisation islamique aux autres parties de l’Afrique de l’ouest. Cette étude se conclut avec l’observation que malgré l’influence française d’après la colonisation, les wolofs ont vu une rapide conversion à l’Islam.

“Le fond historique, social, économique et culturel » était le thème de la quatrième et dernière session, qui a entendu quatre présentations. Le Prof. Sadık Ünay a présenté une étude intitulée “L’impact social et économique du colonialisme en Afrique de l’ouest”. La thèse principale de l’exposé était le fait que le sous-développement en Afrique était en fait construit par le colonialisme à travers des politiques coloniales soigneusement orchestrées. Les problèmes endémiques du sous-développement, de conflits et de la pauvreté en Afrique sont les produits du colonialisme. Comme conclusion, l’étude a suggéré que les africains devraient se libérer d’une crise perpétuelle en déployant des structures politiques et économiques effectives. Le deuxième exposé, par Prof. Azmi Özcan, s’intitulant “L’Impact du colonialisme sur la mentalité des musulmans africains”, observait qu’un premier pas pour libérer les musulmans de la domination de l’Occident pourrait être de faire le constat et l’analyse de l’effet et l’influence du colonialisme sur la mentalité des peuples africains musulmans. L’étude a mis en exergue les effets néfastes du colonialisme sur les africains comme la domination économique et politique et le complexe d’infériorité, et la création délibérée d’une nouvelle classe de la population avec une mentalité euro centriste. Le troisième exposé, par Prof. Ahmet Kavas, était sur « L’histoire et la méthodologie de l’éducation Coranique traditionnelle”. Il fournissait un aperçu de l’histoire et la méthodologie de l’éducation Coranique traditionnelle en Afrique de l’ouest. Il attachait la dégénération de l’éducation Coranique aux politiques coloniales délibérées en Afrique et observait que de telles politiques étaient orchestrées en vue d’assurer une perpétuelle domination des africains par les colonisateurs. Le quatrième et dernier exposé de la session finale, intitulé “L’Institution de l’Awqaf al-Islamiyya comme comprise et appliquée en Afrique de l’ouest”, a été présentée par Dr. Muhammad Sulaiman Adam. Mentionnant diverses formes d’awqaf, la thèse principale de l’étude était que l’Islam s’était répandu grâce à la bonne conduite et à l’institution de l’awqaf. Elle observe avec regret qu’à présent, le waqf s’oriente largement vers le secteur de l’éducation au détriment d’autres secteurs sociaux et économiques clés. L’étude attirait l’attention sur les défis critiques rencontrés par le waqf, ce qui demande une intervention immédiate. Quelques-uns de ces défis concernent le problème de manque de conscience de la part des musulmans sur l’importance du waqf et aussi, le manque de politiques concernant le waqf dans la plupart des pays islamiques.

Une dernière session de discussion libre a permis aux participants de formuler des remarques conclusives et des recommandations pour l’avancement des études.






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